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Fin du gazoduc Maghreb-Europe: qui est le grand perdant?

Fin du gazoduc Maghreb-Europe: qui est le grand perdant?

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L’Algérie a laissé entendre qu’elle ne maintiendrait pas le gazoduc Maghreb-Europe, qui relie ses gisements de gaz à l’Europe via le Maroc. Quelles sont les implications pour chacun des pays?

L’Algérie a annoncé le 24 août 2021 la rupture de ses relations diplomatiques avec le Maroc. Une décision unilatérale qui est venue clore une série d’attaques et d’accusations contre le royaume, entamées il y a plusieurs mois. Les conséquences de cette rupture diplomatiques sont nombreuses et à plusieurs niveaux. La coopération économique et commerciale est l’un des domaines qui seront les plus affectés. Et le gazoduc Maghreb-Europe, qui relie les gisements de gaz algériens à l’Europe via le royaume, en est une composante essentielle. Longue de 1.300 km, cette infrastructure traverse le territoire marocain sur une distance de 540 km, avec une capacité de 13,5 milliards de m3 par an.

Une perte significative

Le Maroc a récemment fait part de son souhait de maintenir le gazoduc Maghreb-Europe. Mais l’Algérie vient de doucher ses espoirs. En effet, le ministre algérien de l’Energie et des mines, Mohamed Arkab, a affirmé jeudi que son pays assurerait désormais l’ensemble des approvisionnements de l’Espagne en gaz naturel algérien via son gazoduc Medgaz qui relie directement les deux pays, sans passer par le Maroc. L’intention est donc toute affichée: l’Algérie ne maintiendra pas le gazoduc Maghreb-Europe, dont le contrat prendra fin en octobre prochain.

Que va faire le Maroc, qui perdrait ainsi l’un de ses fournisseurs principaux de gaz? Selon le média algérien TSA, le gazoduc Maghreb-Europe permet au royaume de pomper 900.000 m3 de gaz naturel par an en forme de droits de passage du pipeline. De plus, en juillet 2011, l’Office national de l’eau et de l’électricité (ONE) et la major algérienne Sonatrach ont signé un accord de vente de 640 millions de m3 de gaz naturel au Maroc sur 10 ans, à travers le gazoduc. Par ailleurs, en 2020, 28,9% du gaz de pétrole importé par le Maroc provenait de l’Algérie, devancée seulement par les Etats-Unis (33%). Outre ces deux pays, le royaume se fournit auprès de l’Espagne (11,3% en 2020), la Norvège (7,5%) et d’autres pays (19,3%).

Une de perdue…

La décision algérienne concernant le gazoduc Maghreb-Europe pourrait donc représenter une perte significative pour le royaume. Mais ce dernier pourra amortir cette perte en misant sur d’autres projets d’envergure. Il s’agit notamment de la construction et l’exploitation d’un terminal flottant d’importation de gaz naturel liquéfié (GNL), qui devrait être localisé au niveau des ports Nador West Med, Kénitra Atlantique, Jorf Lasfar (El Jadida) ou de Mohammedia. Le royaume peut également compter sur l’entrée en exploitation commerciale de projets d’exploration gazière, tels que Tendrara dans l’Oriental.

Un troisième projet, plus vaste que les deux susmentionnés, reste le gazoduc Maroc-Nigeria. Lancé en 2016 à Abuja sous la présidence du roi Mohammed VI et du président nigérian Muhammadu Buhari, ce projet reliera les ressources gazières du Nigeria, celles de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et le Maroc. Un projet très prometteur, donc, attendu par de nombreux pays, comme la Sierra Leone qui a exprimé son soutien, le 26 août 2021, louant «le leadership et la place mondiale du Maroc en matière de soutien à la sécurité énergétique et à l’accès à l’électricité».

All eyes on Nigeria

La construction du gazoduc Maroc-Nigeria devrait être bientôt lancée, à en croire le directeur général de la Nigerian National Petroleum Corporation, Yusuf Usman. Celui-ci a récemment annoncé que l’étude de faisabilité du mégaprojet est achevée et que la décision finale de financement était en cours de validation. Après quoi, le Nigeria lancera les travaux.

Mais là encore, le Maroc n’est pas à l’abri d’une «mauvaise surprise»… de l’Algérie. En effet, sitôt le refus de maintenir le gazoduc Maghreb-Europe annoncé, le voisin de l’est s’est tourné vers le Nigeria. Le ministre algérien Mohamed Arkab a en effet reçu, le 26 août 2021, une délégation de l’Institut national des études politiques et stratégiques du Nigéria (NIPSS). L’occasion pour l’homme d’Etat d’aborder… un projet de gazoduc. Il s’agit du «Trans-Saharan Gas-Pipeline» (TSGP), qui vise à connecter les gisements de gaz naturel nigérians à l’Europe via le réseau de gazoduc algérien. Arkab a notamment assuré ses hôtes de l’intérêt particulier qu’Alger accorde à la «concrétisation rapide» de ce projet.

L’Algérie se préparerait-elle à compenser la perte d’un partenaire économique «gênant» mais crucial sur le continent? La question reste posée.

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