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Gabegie à tous les étages: Barid Al-Maghrib ou le récit d’un naufrage annoncé

Gabegie à tous les étages: Barid Al-Maghrib ou le récit d’un naufrage annoncé

Mauvaise gouvernance, concentration des pouvoirs entre les mains d’un trio managérial aux salaires faramineux, indices financiers en chute libre et déficit chronique… A Barid Al-Maghrib, un nouveau scandale fait son chemin et une enquête parlementaire en démontre toute l’étendue, expliquant pourquoi l’Etat a désormais décidé de reprendre le contrôle. Décryptage.

Il est encore au Maroc des institutions publiques dont la gestion relève non seulement d’un autre âge, mais qui sont perçues par leurs responsables comme une chasse gardée, ou encore une vache à lait dont la seule vocation est de servir leurs propres intérêts. Barid Al-Maghrib en est une parfaite illustration. Elaboré récemment, un rapport de la commission d’enquête permanente en charge de contrôler les finances publiques au Parlement en dit long sur l’état de déliquescence de cet établissement public.

De nombreux dysfonctionnements et autres abus sont ainsi relevés. A commencer par le faible niveau de gouvernance. Nous sommes devant une institution gérée par des «happy few» qui en font leur terrain de jeu, cumulant fonctions, responsabilités… et salaires mirobolants. Comptez des émoluments mensuels de l’ordre de 57.000 dirhams (hors primes et avantages en nature) généreusement distribués à quelques directeurs et un circuit de décision se limitant à trois hauts responsables. Le tout, en faisant totalement fi des attributions relevant pourtant du conseil d’administration et au détriment du capital humain qui vit une crise sans précédent.

Le rapport ne manque pas de souligner l’état des finances de cette institution, au plus bas, et son déficit structurel et chronique. Un fait clairement souligné dans le projet de loi de finances 2022 actuellement en débat au Maroc. On y lit notamment que Barid Al-Maghrib a enregistré une baisse de 11,5% de son chiffre d’affaires en 2020 (877 millions de dirhams) par rapport à 2019. Le résultat net est encore plus dramatique, puisque la baisse est de 69,4% (45 millions de dirhams contre 147 millions en 2019). Les investissements réalisés en 2020 n’ont, de plus, guère dépassé les 47% des prévisions budgétaires, se limitant à 95 millions de dirhams.

La commission d’enquête va plus loin en émettant des soupçons quant à des actes de grande corruption et d’abus de confiance dans certains marchés, de l’acquisition de véhicules électriques à la gestion des ressources humaines, en passant par des marchés aussi insolites que l’achat de liquides hydro-alcooliques.

Le tout, au détriment des clients mais aussi des ressources humaines. Dans un courrier adressé le 6 octobre dernier au directeur général de Barid Al-Maghrib, le Syndicat national de la poste, relevant de la Confédération démocratique du travail (CDT), ne s’y trompe pas. Il s’interroge tant sur la suite que ladite direction entend donner aux critiques et recommandations de la commission d’enquête parlementaire que sur le sort réservé au personnel, le dialogue social étant au point mort, la situation salariale au sein de l’établissement stagnant depuis belle lurette, le manque en ressources humaines étant criard et les recrutements ainsi que les nominations aux postes de responsabilité obéissant plus à des considérations de copinage et de clientélisme qu’à des critères objectifs.

En attendant, au sein des dirigeants de la «boîte», c’est le sauve-qui-peut qui prime, certains responsables préférant quitter le navire avant que le scandale, qui en rappelle d’autres, n’éclate au grand jour. Et entre temps, le gouvernement a décidé de prendre les choses en main.

En février 2021 déjà, l’Etat actionnaire avait annoncé procéder à une restructuration capitalistique par le transfert au même Etat du capital d’Al Barid Bank détenu par Barid Al-Maghrib. Une mesure qui figure désormais dans le projet de loi de finances 2022. L’objectif est d’optimiser le modèle économique de la banque. Barid Al-Maghrib, elle, est appelée «à faire l’objet d’une restructuration de fond afin de garantir sa pérennité à travers, notamment, son repositionnement sur les segments en croissance (colis, poste digitale…), la rationalisation de son portefeuille ainsi que l’optimisation de ses coûts opérationnels». A l’évidence, c’est sa survie qui est en jeu.

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