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Quand la maison Al Omrane s’écroule

Quand la maison Al Omrane s’écroule

Critiques ouvertes des ministères de tutelle (Habitat et Budget), rapports officiels de la Cour des comptes qui en fustigent le mauvais fonctionnement, soupçons à la pelle de gabegie et de prévarication… Censée être le bras bâtisseur de l’Etat, Al Omrane, et son management, croulent sous les accusations. Décryptage.

 

Elle est censée porter haut, et bien, toutes les stratégies de l’Etat en matière d’habitat et d’urbanisation. C’est notamment à elle que revenait (et revient toujours) la résorption des bidonvilles, une véritable tâche noire dans le paysage urbanistique marocain, l’édification de villes nouvelles à même d’en désengorger d’autres et la création d’espaces de vie dignes pour les citoyens, notamment les plus mal lotis. Mais aujourd’hui, que devient Al Omrane et, surtout, qu’advient-il de tous ces beaux projets qu’elle a la mission de réaliser?

Un bilan peu reluisant

Ministre du Budget, Faouzi Lekjaâ, peu loquace mais franc, n’y est pas allé de main molle pour critiquer l’apathie du management de la «boîte» publique. C’était le 29 octobre dernier au Parlement. Un «directeur général qui dort», des «salaires indus» et un parc automobile injustifié. Tel a été son diagnostic. A l’arrivée, des résultats très peu probants.

En 2015 déjà, les critiques fusaient, signées (excusez du peu) par la Cour des comptes. Depuis, très peu d’évolutions ont été enregistrées. Notez, entre autres:

– Des retards et des programmes détournés de leurs objectifs des filiales Al Omrane dans plusieurs villes.

– Une chute du nombre de logements produits, loin des objectifs assignés. De 6.134 unités achevées en 2009, Al Omrane est passée à 3.780 seulement en 2013 (25% des objectifs à terme en matière d’appartements à bas prix, avec 48 % de taux de commercialisation).

– Des problèmes dans la réalisation des infrastructures (voiries, réseaux d’assainissement…)

– Des chantiers sans étude suffisante préalable.

– Des soupçons de clientélisme (106 villas du projet «Camélias», à Tamesna, qui auraient été réservées au personnel d’Al Omrane et aux fonctionnaires de l’administration publique…)

– Une grande opacité dans la gestion des appels à la concurrence, auxquels elle n’a pas recouru auprès de fournisseurs, ou encore la surveillance des conditions d’éligibilité dans l’attribution de logements sociaux.

La tutelle s’en mêle

Une situation devenue tellement intenable, sans solution en vue, que certains parlementaires appellent désormais à la dissolution d’Al Omrane. Parmi eux, Adil Sbaï, du groupe haraki au sein de la Chambre des représentants. Pour lui, si la société publique n’arrive pas à vendre nombre de ses projets, c’est que beaucoup d’entre eux «sont impropres à l’habitat». Et d’interpeller, à cet égard, le ministère de tutelle. Le 9 novembre dernier, et dans le même Parlement, Fatima Zahra Mansouri, ministre de l’Habitant, a promis de réagir… en établissant une forme de tutelle sur Al Omrane. Exit donc le «règne» de Badr Kanouni, celui qui préside aux destinées de cet établissement public depuis plus de 10 ans, l’Etat prend les choses en main. Mais rien n’est encore dit sur le comment ni le calendrier de cette reprise à même de pointer les écarts et les corriger.

Ouvrir pour mieux gérer

Le ministre du Budget, Faouzi Lekjaâ, va plus loin et s’interroge même sur la viabilité de l’établissement. «Est-ce que c’est à l’Etat de continuer de construire, d’acheter des terrains, de constituer des stocks d’habitats… invendus? Avec un DG qui sommeille? Alors qu’en face, nous avons un secteur privé actif et qui cherche sérieusement et continuellement des opportunités, en Afrique et dans le reste du monde», s’est-il questionné en octobre dernier devant les parlementaires.

Pour lui, la solution est dans l’ouverture du capital d’Al Omrane et consorts. «Non seulement, on n’aura rien cédé, mais on aura fait en sorte que ce genre de sociétés deviennent rentables… et comptables quant aux salaires mirobolants qu’elles accordent à une partie de leur personnel ainsi qu’aux voitures qu’elles acquièrent au profit de cette catégorie», a-t-il tranché. Wait and see.

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