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Vidéo. Mohamed Nabil Benabdallah: «Il faut que les partis de gauche arrêtent de se tirer dans les jambes»

Vidéo. Mohamed Nabil Benabdallah: «Il faut que les partis de gauche arrêtent de se tirer dans les jambes»

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Le secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme, Mohamed Nabil Benabdallah, décrypte les raisons du mal de la gauche marocaine. Il s’attaque notamment aux partis qui se réclament de cette tendance alors qu’ils n’ont strictement rien à voir avec ses idéaux. Il évoque également ses craintes face à l’évolution de la scène politique marocaine, qui est de plus en plus viciée par l’argent, ainsi que l’importance pour tous de voter si l’on veut réellement que les choses changent. Entretien.

Ni9ach21: Dans le cas où le RNI ou le PJD l’emporte, seriez-vous prêts à vous allier à l’un d’eux?

Mohamed Nabil Benabdallah: Un parti politique, par essence, ne peut faire de la politique en se disant: «Moi, j’ai choisi de m’opposer». Une telle position est dogmatique, ne mène à rien, et ne mobilise pas les gens. Moi, si je vote pour vous, c’est pour que vous réalisiez des choses. Normalement, dans une démocratie saine, un parti doit agir pour gouverner. Pour gérer une commune ou une région, pour apporter un mieux, pour montrer qu’avec ses militantes et militants, il peut faire mieux.

Le PPS, qui a quitté ce gouvernement, il y a deux ans maintenant, parce qu’il considérait que c’était un gouvernement faible, non homogène, sans souffle réformateur, ne peut donc entrer, demain, dans un gouvernement de la même nature. C’est pour cela que nous aimerions avoir un gouvernement fort, dans lequel les alliances sont claires. Il est inconcevable d’entrer dans un gouvernement, signer un pacte et, dès le départ, se mettre à se tirer dans les jambes. C’est ce qui s’est passé dans ce gouvernement. Et nous l’avons dit à plusieurs reprises, pendant que nous y étions et même après en être sortis. Donc, si c’est un gouvernement qui correspond à notre projet de société démocratique et sociale, oui, nous en ferons partie.

Ni9ach21: Est-ce la raison de l’alliance PAM-PPS-Istiqlal ?

Mohamed Nabil Benabdallah: Lorsque nous avons rejoint l’opposition, elle n’était pas coordonnée. Il y avait le PAM d’un côté, l’Istiqlal de l’autre, et c’est tout. Cela fait donc partie des rôles que peut jouer le PPS. Malgré le fait que nous avions un groupe minoritaire au sein de la Chambre, nous avons tout de suite joué un rôle de coordination pour créer une opposition plus forte, plus présente.

Ni9ach21: Est-ce que cela n’a pas été gâché par le rapprochement du PAM et du PJD ?

Mohamed Nabil Benabdallah: Ce n’est pas un rapprochement, ils se sont rencontrés. Depuis l’ère Ouahbi, l’opposition entre le PJD et le PAM s’est estompée. Nous aussi devions avoir une réunion avec le PJD. De parti à parti, juste pour coordonner, juste pour s’entendre, s’écouter. Bien que nous ayons quitté leur gouvernement. Et pour Ouahbi, c’était une manière de dire que nous n’avons pas de rupture avec qui que ce soit. Nous sommes prêts à agir avec différentes forces. Il n’y a pas d’annonce d’alliance, mais les gens l’ont interprété ainsi.

Maintenant, quant à savoir si l’un des partis sait, à ce jour, exactement avec qui il sera, ou s’il sera dans un gouvernement, je peux vous dire qu’il n’y en a aucun qui soit capable de vous répondre. C’est malheureux, ce n’est pas une bonne chose. Et nous, au PPS, avons toujours été pour l’annonce des alliances préélectorales, mais avec qui voulez-vous faire cela aujourd’hui? On aimerait néanmoins, en tant que PPS, avoir une alliance clairement de gauche.

Ni9ach21: Justement, vos électeurs s’attendaient à une alliance PPS-USFP-Istiqlal. Cela n’aurait-il pas été envisageable ?

Mohamed Nabil Benabdallah: Je ne veux pas faire de commentaire sur l’USFP, je crois que l’opinion publique a sa petite idée. J’ai énormément de respect pour ce sigle, pour son histoire, mais aujourd’hui, la réalité est ailleurs. Et par ailleurs, je veux dire les autres composantes de gauche. Mais, il faut qu’elles arrêtent de se tirer dans les jambes comme elles le font maintenant, car ce n’est pas utile. Nous aimerions bien nous unir, mais avec qui? Concernant l’Istiqlal, c’est un parti avec qui nous avons toujours eu des rapports, et nous espérons pouvoir les renforcer encore plus. Le PAM fait aujourd’hui de la coordination avec nous, tant mieux. Voilà, nous aurions bien aimé constituer une alternative, j’espère que cela sera possible, mais encore faut-il avoir la majorité.

Ni9ach21: Vous avez parlé de rencontre avec le PJD. Sera-t-elle plus dans l’intérêt du PJD ou le vôtre?

Mohamed Nabil Benabdallah: De toutes manières, elle n’a pas eu lieu jusqu’à présent. Elle aura peut-être lieu, si on a le temps avant les élections, mais ce n’est pas vraiment un souci premier. Actuellement, chaque parti est dans son monde pour essayer de se positionner au mieux par rapport aux prochaines élections. C’est malheureux dans un monde électoral qui est aujourd’hui particulièrement vicié par l’argent, vicié par la qualité, si tant est qu’on puisse parler de qualité des candidats.

Aujourd’hui avec l’argent qui a été déversé, même les candidats s’achètent, les voix s’achètent, mais nous essayons de nous battre, au PPS, sans moyens, avec la seule force de nos idées, de nos propositions, de notre programme, de nos militantes et de nos militants. On essaye d’agir à contre-courant de tout cela, mais c’est très difficile. Alors, la seule chose qui peut nous permettre de résister, c’est le vote. Que les gens votent massivement, qu’ils sortent de l’absentéisme et qu’ils viennent: les femmes, les jeunes, les intellectuels, les cadres, les gens dans les quartiers populaires qui en ont marre, qui veulent une autre vie, qui veulent réellement que ça change…

La Covid-19 a fait beaucoup de dégâts, elle va laisser beaucoup d’empreintes, économiquement et socialement. Le PPS est un parti qui porte une empreinte de combats, de luttes. Que les gens nous soutiennent, car c’est le seul moyen que nous avons d’exister. Sinon, on va se retrouver avec une scène politique qui est définitivement dominée par ce monde de l’argent. Cela est très dangereux pour la démocratie.

Ni9ach21: La gauche reprend du terrain partout dans le monde. Que faut-il faire pour que les Marocains aient à nouveau confiance en la gauche?

Mohamed Nabil Benabdallah: C’est mon plus grand espoir que, face à cette situation délicate, ceux qu’on peut appeler le peuple de gauche, les femmes et les hommes qui ont porté les idées de gauche, les grandes et grands militants, qui existent un peu partout à travers le pays, qui sont déçus et dépités, se disent «non, il faut quand même qu’on réagisse», et qu’ils poussent avec eux cette génération nouvelle, qu’ils redonnent vie aux idéaux de liberté, d’égalité, d’émancipation, de démocratie réelle, de transparence d’avis publics et de justice sociale, qu’ils se disent qu’il y a des combats qui méritent encore d’être menés. S’ils commencent à baisser les bras, ça va être difficile.

Je sais qu’il y a des partis, aujourd’hui, qui n’ont strictement rien à voir avec ces idéaux mais que l’on va retrouver en train de distribuer leurs tracts. Mais il faut que le peuple soit en mesure de leur dire: «Mais, d’où défendez-vous la liberté, la démocratie, l’égalité, la justice sociale, l’école publique et la santé publique? Jamais vous n’avez fait cela». Je parle, en particulier, de partis qui ont été créés artificiellement, et qui peuplent l’espace politique de cette manière. Il faut que les gens sachent choisir! Le PPS est un parti qui s’est battu pour cela, et y a laissé des plumes. C’est un vrai parti de luttes, de combats. Maintenant, notre seul moyen de subsister, c’est que les gens votent, s’ils ne votent pas, ça va être difficile.

Ni9ach21: Après tant d’années de déceptions, n’êtes-vous pas fatigué de cette lutte?

Mohamed Nabil Benabdallah: Je ne suis pas déçu. Ce parti m’a appris à être optimiste, à aller au combat, à lutter et à continuer à lutter. Et avec mes camarades en politique, au comité central, les femmes et les hommes qui ont donné des années de leur vie, les jeunes que nous avons aujourd’hui, nous continuons à porter l’espoir. Même si nous n’arrivons pas à nos fins tout de suite, l’idéal que nous portons, l’idéal de gauche, l’idéal de progrès, de démocratie, d’égalité, d’émancipation, de libération de la femme dans un pays où il y a beaucoup de choses archaïques, de lutte contre la pauvreté, de lutte contre l’exclusion, ces idéaux resteront, triompheront et vaincront.

Nous n’y avons pas consacré nos vies pour rien. Et si nous voulons performer, il va falloir que les gens votent, tout simplement. Il n’y a pas d’autres outils; que les abstentionnistes aillent aux urnes. C’est le seul moyen de contrebalancer cette honte que nous voyons devant nos yeux.

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