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Enième attaque de Tebboune contre le Maroc: faut-il rompre définitivement avec l’Algérie?

Enième attaque de Tebboune contre le Maroc: faut-il rompre définitivement avec l’Algérie?

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La présidence algérienne a annoncé la «révision» de ses relations avec le Maroc, qu’elle accuse d’«actes hostiles incessants» à son encontre. Cette énième attaque passera-t-elle?

Mais quelle mouche a encore piqué le régime algérien? Dans un communiqué publié jeudi, la présidence du pays voisin porte des accusations graves contre le Maroc. «Les actes hostiles incessants perpétrés par le Maroc contre l’Algérie, ont nécessité la révision des relations entre les deux pays et l’intensification des contrôles sécuritaires aux frontières Ouest», lit-on dans le communiqué qui ne donne aucune autre précision.

Au vu des événements récents, l’on déduit que Tebboune fait allusion aux gigantesques feux de forêt qui ont ravagé le nord du pays, notamment la Kabylie, à partir du 9 août dernier. Le président algérien avait attribué une origine criminelle à ces incendies qui ont, en une dizaine de jours, détruit des dizaines de milliers d’hectares de forêts et fait 90 morts. Il avait notamment accusé une organisation indépendantiste kabyle basée à Paris, ainsi que le mouvement islamo-conservateur Rachad établi à Londres. Tous deux sont considérés classés comme «organisations terroristes» par Alger.

Mais voilà que, contre toute attente, la présidence algérienne s’en prend ouvertement au Maroc, pays souverain, et annonce «revoir» ses relations avec celui-ci. Notons que la décision a été prise lors d’une réunion extraordinaire du Haut conseil de sécurité algérien, présidée par Tebboune et consacrée à l’évaluation de la situation après les feux de forêt.

Politique de l’autruche

Cette attaque contre le Maroc est la dernière d’une longue série perpétrée par le successeur d’Abdelaziz Bouteflika. Depuis son accession au pouvoir en décembre 2019, Abdelmajid Tebboune n’a cessé de multiplier les prises de positions hostiles envers le Royaume. On se souvient du 25 avril 2021, lorsqu’il a sommé plusieurs entreprises algériennes de rompre leurs contrats avec leurs partenaires marocains. Contrats qui, selon lui, mettent «à la disposition d’entités étrangères» des «données et informations sensibles» pour la sécurité de son pays.

Il a également, à plusieurs reprises, rejeté la main tendue par le roi Mohammed VI pour la réconciliation entre les deux pays voisins, qui entretiennent pourtant des relations commerciales importantes. Même lorsque, dans son discours du Trône prononcé le 31 juillet 2021, le roi Mohammed VI a réitéré son souhait de voir le Maroc et l’Algérie, «deux pays jumeaux qui se complètent», établir des «relations bilatérales fondées sur la confiance, le dialogue et le bon voisinage», Alger s’est une fois de plus terrée dans le silence.

Et plus récemment, lorsque le nord de l’Algérie a été frappé par ces fameux feux de forêts, le Maroc, nonobstant l’atmosphère diplomatique, a proposé son aide. Le roi Mohammed VI a en effet fait mobiliser deux Canadairs pour aider l’Algérie à lutter contre les flammes. Mais, comme un air de déjà-vu, silence à Alger, qui a préféré se tourner vers des avions… français.

Ainsi, Alger s’entête dans son hostilité envers Rabat, alors que le pays voisin serait le plus grand bénéficiaire d’un rétablissement des relations avec le Maroc. Economiquement, les avantages sont énormes, quand on sait que malgré la situation actuelle, engendrée par la fermeture des frontières en 1994, les deux pays restent des partenaires économiques importants l’un pour l’autre. Mais le régime algérien s’obstine à rejeter toute solution, s’affairant plutôt à menacer l’intégrité territoriale du royaume en soutenant le Polisario. Pas plus loin qu’en avril dernier, un avion présidentiel algérien a même transporté le chef des séparatistes, Brahim Ghali, en Espagne pour des soins. Ce qui a provoqué une crise diplomatique qui se poursuit à ce jour entre Rabat et Madrid.

Et pourtant, dès qu’il s’agit de séparatisme sur son territoire, à ce moment-là, le gouvernement Tebboune sait parler de respect de l’intégralité territoriale. En juillet dernier, dans un droit de réponse du Maroc face aux allégations algériennes sur la question du Sahara marocain, l’ambassadeur représentant permanent du Maroc à l’ONU, Omar Hilale, a rappelé le refus de l’Algérie du droit à l’autodétermination au peuple kabyle. Il n’en fallait pas plus pour que le voisin de l’Est rappelle son ambassadeur à Rabat.

Il faut arrêter de vivre dans le passé

Comment expliquer cette hostilité tenace du régime algérien envers le Maroc? Pour Zakaria Abouddahab, il s’agit d’«une obsession qui dépasse le président algérien» et qui s’est cristallisée depuis les années 60, à la suite de la guerre des Sables. «Mais depuis l’arrivé de Tebboune, nous avons remarqué une montée en puissance des accusations proférées contre le Maroc», remarque l’expert en relations internationales.

Selon lui, cet acharnement vise tout simplement à «dissimuler les véritables problèmes dont souffre l’Algérie», et qui ont été portés par le Hirak à partir de janvier 2020. A cela s’ajoute l’«hostilité avérée du régime stratocratique (militaire) algérien» envers le Maroc, qu’il «voit comme un rival et non comme un concurrent loyal qui pourrait être son complément», poursuit Abouddahab.

Il y a donc un problème de perception, qu’il faut dépasser car le monde a changé. «Cette doctrine militaire trahit une posture d’hégémonisme que l’Algérie voudrait jouer, mais elle n’a plus les moyens dont elle disposait auparavant, que ce soit sur le plan continental ou international», nous explique Abouddahab. Et s’agissant des accusations répétées du régime Tebboune, l’expert les qualifie de «cartouches vides». «Les nouvelles accusations ne tiennent pas la route, à l’instar de celles déjà proférées dans l’affaire Pegasus», indique-t-il. Pour rappel, l’avocat du Maroc avait alors demandé aux Algériens des preuves de leurs accusations contre le royaume sous 10 jours, chose qui n’a pas été faite.

«Le Maroc va tirer les enseignements»

Quant à savoir quelle sera la réaction du Maroc face à cette énième attaque du pouvoir algérien, Abouddahab rappelle que la décision revient à la plus haute autorité du royaume, le roi Mohammed VI, qui, rappelons-le, a été très sincère et ouvert dans le dernier discours du Trône. Néanmoins, «je crois qu’à la lumière de ce qui se passe aujourd’hui, le Maroc va tirer les enseignements qui s’imposent et prendre les décisions correspondantes et appropriées», tranche-t-il.

Pendant longtemps, le Maroc a fait fi des attaques, menaces et autres accusations en provenance de l’Algérie. Cette énième sortie de l’équipe de Tebboune vient cependant ajouter davantage à la fracture diplomatique régnant entre les deux pays. Au risque de la rupture.

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