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Story. Ce que l’opération African Lion 21 dit des Etats-Unis et nous

Story. Ce que l’opération African Lion 21 dit des Etats-Unis et nous

Après avoir été annulé l’année dernière en raison de la pandémie de Covid-19, l’exercice militaire combiné «African Lion» a fait son retour cette année. Plus qu’un exercice militaire conjoint, l’opération en dit long sur le chemin parcouru en matière de coopération et d’entente, solides et durables, entre le Royaume et les Etats-Unis. Décryptage.

La 17e édition de l’exercice militaire combiné African Lion (African Lion 21), démarrée le 7 juin 2021 à Agadir, s’est clôturée le 18 juin dernier au Cap Draâ (Tan-Tan). Cette année, près de 8.000 membres du personnel militaire provenant de huit pays ainsi que des observateurs issus d’une vingtaine d’autres pays ont pris part à cette opération, qui signait son retour après avoir été annulée en 2020 en raison de la pandémie de Covid-19.

Les activités d’African Lion 21 se sont déroulées à Agadir, Tifnit, Tan-Tan, Mahbès, Tafraout, Ben Guérir et Kénitra, impliquant, en plus de l’important effectif militaire, un vaste arsenal terrestre, aérien et maritime. Elles ont notamment concerné des manœuvres aériennes mettant en vedette des bombardiers, des chasseurs et des ravitaillements en vol, en plus d’exercices de tirs navals et de multiples manœuvres en mer. Notons que le Sénégal et la Tunisie ont abrité quelques activités de cette édition.

«Un grand succès à tous les niveaux»

Plus grand exercice du Commandement américain pour l’Afrique (USAFRICOM : United States Africa Command), African Lion est un exercice multi-domaines, multi-composants et multinational qui emploie «une gamme complète de capacités de mission dans le but de renforcer l’interopérabilité entre les pays partenaires et d’améliorer la capacité d’opérer dans le théâtre d’opérations africain», rappelle l’ambassade des Etats-Unis au Maroc.

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Cette année, l’exercice s’est avéré être une réelle réussite, comme l’a confirmé le général de l’armée américaine Stephen Townsend : «Nous restons concentrés sur le maintien des relations fortes que nous entretenons avec nos alliées et nos partenaires. Nous avons travaillé très dur pour faire de l’exercice de cette année une réalité et nous en avons tous bénéficié considérablement», s’est félicité le haut gradé lors de la cérémonie de clôture à Tan-Tan.

Cet avis a été partagé par l’inspecteur général des Forces armées royales, le général Abdelfattah Louarak, qui a estimé que cette édition a été «un grand succès à tous les niveaux, remplissant tous ses objectifs». Un succès qui rassure déjà quant à l’édition prochaine: «15 nations ont pris part aux formations préliminaires avec la perspective d’intégrer la prochaine édition d’African Lion 2022», a assuré de son côté le général de division Andrew Rohling, commandant de la Force opérationnelle d’Europe du Sud en Afrique de l’armée américaine.

Pourquoi le Maroc?

Au-delà de son caractère multinational, African Lion est surtout une illustration de l’excellence et la solidité des relations entre le Maroc et les Etats-Unis. Si on le connaît aujourd’hui sous son format annuel, l’exercice a été lancé pour la première fois à la fin des années 90, lorsqu’il était organisé de façon biannuelle et consistait en un exercice assisté par ordinateur. Et pourquoi les Etats-Unis ont-ils porté leur choix sur le Maroc pour coorganiser un exercice d’une telle envergure, bien que le royaume ne soit pas la première puissance militaire africaine?

«Le département de la Défense des Etats-Unis reconnaît le rôle du Maroc en tant qu’un partenaire stable en Afrique du Nord et ses contributions à la lutte contre l’Etat islamique».
Michelle Fletcher, US Air Force

«Le département de la Défense des Etats-Unis reconnaît le rôle du Maroc en tant qu’un partenaire stable en Afrique du Nord et ses contributions à la lutte contre l’Etat islamique», déclarait le lieutenant Michelle Fletcher de l’US Air Force à l’issue de l’édition 2018 d’African Lion. Ainsi, la stabilité est un critère important dans ce choix, mais pas que. Car, faut-il le rappeler, le Maroc a été le premier pays à reconnaître, dès 1777, l’indépendance de la jeune république qu’étaient les Etats-Unis. Et 9 ans plus tard, les deux pays signaient le Traité de paix et d’amitié maroco-américain, qui reste à ce jour le plus ancien jamais signé par le pays de l’Oncle Sam avec un pays tiers. Celui-ci concerne non seulement le commerce maritime, mais inclut également des points relatifs à la sécurité et au domaine militaire.

Etat arabe «modéré», le Maroc reste un partenaire stratégique crucial pour les Etats-Unis dans le domaine militaire et la lutte antiterroriste. Pour rappel, en 2004, le président américain d’alors, Georges W. Bush, a désigné le royaume comme un allié majeur non membre de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN). L’année d’avant, c’était un partenariat qui était établi entre le Maroc la Garde nationale de l’Utah. En temps de guerre également, la coopération entre les deux pays a été très active. A commencer, entre autres, par la première Guerre mondiale, lorsque les troupes marocaines ont combattu aux côtés des forces alliées. Et en janvier 1943, pendant la seconde Guerre mondiale, le Maroc a abrité la célèbre «Conférence de Casablanca» qui a rassemblé le président américain Franklin Roosevelt, le Premier ministre britannique Winston Churchill, et le chef de la France libre, le général Charles De Gaulle, pour discuter de la stratégie pour mettre fin à la guerre.

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Pendant la guerre du Golfe, également, le Maroc était le seul pays maghrébin à se joindre à la coalition américaine, sans oublier les 11.000 soldats qu’il a fournis pendant 14 ans à la force dirigée par l’OTAN au Kosovo. En matière de lutte contre le terrorisme, le Maroc est, avec les Etats-Unis et 28 autres pays, un membre fondateur du Forum mondial de lutte contre le terrorisme, qu’il co-préside depuis 2016. Il a également été, en 2014, le premier pays maghrébin à rejoindre la Coalition anti-Daech.

Le boom des armes «Made in America»

L’armement est un autre domaine où la coopération maroco-américaine est des plus florissantes. Depuis le début de la dernière décennie, le Maroc est en effet devenu un grand acheteur des armes américaines.

Ses acquisitions, faites principalement à travers le dispositif «FMS» (Foreign Military Sales: ventes militaires à l’étranger), incluent des avions de combat F-16, des avions d’entraînement T-6, des missiles air-sol AGM-65 Maverick, des chars de combat M1 Abrams, des missiles air-air de moyenne portée AM 120-C7, des canons tractés M198, des systèmes de défense aérienne Patriot, des munitions à guidage de précision Helfire, Paveway et JDAM, des drones sophistiqués de type MQ-9B SeaGuardian, des hélicoptères Apache et Chinook, etc. En chiffres, Rabat a déboursé près de 1,3 milliard de dollars en 2018 pour se fournir en armes de fabrication américaine, selon un rapport du programme Security assistance monitor (SAM), qui contrôle la vente d’armes aux Etats-Unis. Et l’année suivante, des records ont été atteints, avec 10,38 milliards de dollars de commandes réalisées par le Maroc auprès des fabricants d’armement américains!

Ce boom des armes «Made in America» depuis quelques années s’est fait au détriment de celles provenant d’autres pays, notamment la France. En effet, l’autre grand allié du Maroc a vu ses ventes d’armes vers le Maroc baisser drastiquement en quelques années. Sur la période 2008-2018, Paris a vendu pour 1,8 milliard d’euros d’équipements militaires au Maroc.

Soutien de poids

On serait en droit de penser – et à raison – que les relations militaires entre le Maroc et les Etats-Unis bénéficient plus au deuxième pays qu’au premier. Que nenni! Les bons comptes faisant les bons amis, la préférence accordée par le Maroc aux Etats-Unis en matière d’armement n’est pas fortuite. Washington constitue en effet un allié de poids que tout pays «rêverait» de compter parmi ses soutiens sur la scène internationale. Et dans ce volet, le Maroc a réussi. Lui qui a obtenu en décembre 2020 la reconnaissance américaine de sa souveraineté sur son Sahara. A juste titre, l’organisation d’une partie des activités d’African Lion 21 à Mahbès, dans le Sahara marocain, peut être vue comme un message envoyé par Washington aux détracteurs de la souveraineté du royaume sur cette région.

Ce soutien clairement affiché, notamment à travers des exercices impressionnants de tirs d’artilleries à munitions réelles, est une aubaine au moment où le Maroc est en pleine crise diplomatique avec l’Espagne après que cette dernière a accueilli sur son territoire le leader du Front Polisario, Brahim Ghali, sous une fausse identité. D’ailleurs, Madrid, qui participe depuis plusieurs années à African Lion, était aux abonnés absents pour cette édition. Si officiellement le ministère espagnol de la Défense a évoqué des raisons financières, les médias ibériques, eux, attribuent la non-participation de leur armée au fait que Madrid ne veut pas que sa participation soit vue comme une reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur son Sahara.

Les relations maroco-américaines sont donc en plein essor, allant bien au-delà du domaine militaro-sécuritaire, et chaque partie y trouve son compte. Cependant, l’arrivée en force de la Chine ne menace-t-elle pas cette idylle?

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