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Les nouveaux maîtres du bullshit

Les nouveaux maîtres du bullshit

Tarik-Qattab-Ni9ach21-

Le véritable «Muppet Show» qu’a été l’annonce de Morocco Tech a été comme un grand coming out collectif pour ces gens-là.

Ils en jettent. Et c’est le but. Certains sont 24/7 en mode BCBG, beau gosse professionnel et accessoirement gendre idéal. D’autres se pavanent, l’air de rien et faussement négligé. D’autres encore font allègrement, et avec une déconcertante aisance, le va-et-vient entre les deux typologies, dépendamment du jour de la semaine, de l’heure qu’il fait et, élémentaire, de l’audience. Hier encore, ils avaient cette décence de cultiver un entre-soi bien nourri, chassant, de nuit comme de jour, les occasions de gratter des opportunités d’affaires, gravant les petites marches menant au sacro-saint Graal: villa-BMW-destinations exotiques-chien de race (et le personnel de maison qui va avec). Et ce n’est qu’un premier pas de franchi.

Précisons que ces profils -restons pro- se conjuguent parfaitement. En genre et en nombre.

– Mais de quoi parle-t-on au juste?

– Mais de tech, bon sang!

Hier encore, ça limitait l’étendue de son savoir immense et autres précieux tuyaux aux happy few, dans le confort de ces rencontres exclusives et douillettes. C’est un must. Et ça prodiguait ses conseils aux seuls initiés sur les réseaux sociaux. Que dis-je? LE réseau: Twitter. On ne va quand même pas se mélanger à ces ploucs qui inondent le Facebook marocain. Ces mêmes ploucs qui, au demeurant, font le job et font que les affaires de nos «potes» fonctionnent. La méthode est bien simple: on se renseigne sur les tendances qui marchent, on copie-colle et… c’est à peu près tout. Ding ding, Par ici l’oseille! Vu d’en haut, c’est somme toute modeste et bien souvent petit, mais ça marchait et, franchement, personne n’en est mort. Every artist is a cannibal, every poet is a thief. Vous l’aurez compris, la maîtrise de l’anglais show-off est indispensable. Et comme dirait Bono (notre gardien de but national et non le chanteur irlandais): je ne suis pas là pour traduire. Piquer des idées ici et là est admis. Ça, tout le monde le sait, alors pourquoi se priver. Sauf que… J’y arrive, cher lecteur, et merci d’avoir été patient.

A la faveur d’un changement majeur de donne, ils ont flairé l’occasion de frapper… de grands coups cette fois. Et plus c’est gros, mieux ça passe. Le véritable «Muppet Show» qu’a été l’annonce de Morocco Tech a été comme un grand coming out collectif pour ces gens-là. C’est magnifique et tout y était, côté forme: petits plats dans les grands, immense salle, des VIP en veux-tu en voilà, et des annonces à faire trembler les plus grandes puissances de ce monde. Retenez bien: placer le Maroc dans le top 10 mondial des «start-up nations». C’est passé crème, sans barrières ni contrôle. Mais est-ce qu’il y en a? C’est grave sinon.

Le tout, avec le soutien de l’Apebi, de l’AMDI et de la CGEM ainsi que la caution et la bénédiction d’une ministre. Laquelle ministre a fait sienne ce projet. Un beau cadeau pour inaugurer la toute nouvelle vie de Ghita Mezzour à la tête de la Transition numérique. C’est tout simplement bluffant mais cela vaut engagement. Mais alors, comment, avec quels moyens et, surtout, quels acteurs? Sur le contenu, il faudra repasser, mais il faudra certainement compter avec ces gens-là, ceux-là même qui, tout en réduisant leurs talents au statut d’esclaves modernes, n’hésitent pas à pomper non seulement concepts et idées, mais également jusqu’aux namings et autres logos. C’est d’ailleurs par ce dernier que le scandale a éclaté. Que dire du reste? Les révélations des confrères Le Desk et Le1 commencent à peine à montrer l’étendue du pot-pourri, et nous assistons sans doute à la plus grande série (à échecs, par contre) de ce début de mandat de l’actuel Exécutif.

Alors que la voie du vrai progrès est toute tracée et que l’authentique transformation du pays est enclenchée, ces profiteurs 2.0 sont déjà dans les starting blocks. A croire qu’ils étaient prêts depuis longtemps. Ce qu’ils oublient, c’est que par leurs actes, ils décrédibilisent tous les engagements pris par le nouveau gouvernement, torpillent, pour leur seul profit, tout un modèle de développement, et vident de son sens toute volonté sincère d’aller de l’avant. Madame la ministre doit savoir que la transition numérique du pays est bien trop précieuse pour être laissée aux mains de guignols affairistes, qu’une (start-up) nation obéit à des règles et, surtout, que les vrais acteurs sont ailleurs et c’est son rôle d’aller les chercher. En favorisant ces gens-là, son département risque de se transformer en une grande… Factory de mensonges.

P.S: Une enquête parlementaire sur cette affaire est chaudement recommandée. Messieurs-dames de la gauche, faut-il vous l’envelopper?

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